Ce site regroupe des travaux des classes de FLE de l'Université Technique de Cotopaxi , à Latacunga (Equateur). Les travaux de l'année 2013/2014 sont basés sur la méthode Jacotot. Cette méthode, bien qu'elle soit expérimentée le plus souvent dans le cadre de l'apprentissage des langues, est applicable à toute discipline. Ici, un texte explicatif sur la méthode, en français puis en espagnol.

 

Version française

    Selon Jacques Rancière, la méthode Jacotot est une méthode émancipatrice. Le terme émancipation vient du latin « ex-manus-capere », ce qui signifie littéralement « s'extraire de la main qui prend »1. La main qui prend, c'est celui qui domine — autrefois on prenait par la main les esclaves que l'on venait d'acheter —, mais aussi celle qui vient à l'aide.

    La méthode Jacotot est le fruit d'une expérience faite au XIXème siècle par un professeur français. Joseph Jacotot est parti enseigner à Louvain en Belgique. Or tous les étudiants qui voulaient assister à ses cours ne parlaient pas français. Il leur a donc confié un livre bilingue (Télémaque) avec lequel ils ont appris seuls la langue. Le professeur lui-même fut très surpris du niveau atteint par les étudiants. Il décida de rendre compte de ces faits dans L'enseignement universel. Et il renouvela l'expérience en enseignant d'autres matières pour lesquelles il n'avait aucune connaissance2.

    Préférant le maître ignorant au savant, la méthode expérimentée par Jacotot mettrait le prof et l'étudiant dans une relation de réciprocité. Les explications et méthodes utilisées traditionnellement par les professeurs seraient en revanche une forme de domination3.

    De fait, si la méthode est « une manière de conduire et d'exprimer sa pensée4 » et ne nuit donc pas à l 'émancipation individuelle, le fait que des professeurs en imposent aux étudiants une uniformisée et déjà toute faite pose problème. Il faut donc que la méthode naisse de la pratique de chaque étudiant, plutôt qu'elle vienne de l'extérieur. La méthode Jacotot n'est donc pas tant une anti-méthode, que celle propre à chaque étudiant.

    Joseph Jacotot nomme sa méthode « enseignement universel ». Cette expression désigne l'apprentissage du monde par lequel passe tout enfant dès sa naissance. Les enfants nomment ce qu'ils voient. Ils apprennent la langue maternelle en écoutant et observant ce qui les entoure. Pour Jacotot, tout est langage5. Nous pouvons donc tout apprendre comme nous l'avons fait avec notre langue maternelle.

    Il est déjà arrivé à tout le monde dans sa vie d'apprendre quelque chose seul. C'est le cas de notre langue maternelle. Mais c'est aussi le cas lorsqu'on se trouve seul à devoir faire quelque chose et que personne n'est à côté pour nous donner le chemin à suivre. Or, comme le souligne Jacques Rancière, il nous vient rarement à l'idée que l'autre peut aussi apprendre seul et n'a pas besoin de nos explications6.

    Traditionnellement, même si le professeur ne donne pas d'explications claires aux étudiants, il a tendance à poser des questions sur le mode socratique. De fait, Jacques Rancière fait une grande différence entre le questionnement du maître ignorant chez Jacotot et celui du professeur savant, très souvent rencontré au long de notre parcours scolaire. Tandis que Jacotot ne connaît rien au préalable de ce que ses élèves apprennent, le savant — par définition — sait où il veut amener ses élèves. Il les guide donc toujours un peu. Et ce volontairement ou non7.

    Sur ce point d'ailleurs, nous pourrions rapprocher Jacotot de Paulo Freire. Ce pédagogue brésilien estime que l'éducation doit servir autant le maître que l'élève. Le professeur doit sans cesse apprendre de ce que découvrent ses étudiants8. Or la relation classique de domination entre le professeur et l'élève — que le pédagogue n'hésite pas à qualifier d'oppression — ne met pas l'éducateur et l'éduqué à égalité, et inscrit des stigmates d'oppresseur pour l'un, et d'opprimé pour l'autre.

    Jacques Rancière sur ce point, montre que la pédagogie de Jacotot, plutôt que de corriger les inégalités entre les élèves, ne les fait tout simplement pas exister. Les explications du maître seraient à l'origine des inégalités. En imposant une explication qui correspond à l'intelligence du professeur et à celle d'un petit nombre d'élève, on met à l'écart ceux qui auraient découvert autrement. Les enfants qui ne comprennent pas les explications données par le professeur finissent par penser qu'ils sont moins capables. Et ils font l'objet d'une stigmatisation qui peut les suivre très longtemps si la situation se répète9.

    Jacotot est certainement un grand révolutionnaire. En supposant l'égalité de tous, il bouleverse la pensée dominante et permet une pratique de l'enseignement réellement émancipatrice. De fait, « l'émancipation est la conscience d'une égalité [de principe entre tous les êtres]10 ». Celle-ci permet une réciprocité et annule la domination de l'un sur l'autre. Une domination qui abrutit toujours l'opprimé autant que l'oppresseur11.

    Si Jacotot ne parle pas du travail en groupe, c'est pourtant un moyen intéressant d'avancer dans les découvertes. Sugata Mitra, en Inde, vit une expérience à peu près similaire à celle de Jacotot. L'école dans laquelle il travaille a décidé de mettre des ordinateurs en libre-service en dehors du bâtiment. Les enfants y ont un libre accès et ne reçoivent aucune explication d'aucun adulte. Le fait pour les enfants de se retrouver régulièrement en groupe devant l'écran leur permet de mettre en commun leurs découvertes ou idées pour arriver à leur but. L'école souhaitait ainsi sortir les enfants des « apprentissages uni-directionnels » dispensés généralement12.

 

    C'est à la lumière du travail de Jacotot que nous allons nous emparer de la langue française ! N'étant pas professeure mais assistante de français, je peux me permettre plus facilement de m'écarter du programme pour faire cette expérience. Depuis le début de l'année scolaire 2013/2014, nous étudions des textes bilingues français-espagnol. Plusieurs exercices piochés dans l' Enseignement universel ont été utilisés pour étudier des textes imposés (des textes de Georges Brassens, Boris Vian, Jacques Prévert et Stromaë).

    A présent, nous allons nous emparer de textes choisis en groupe. Chaque groupe va suivre sa propre méthode en organisant l'enchaînement des exercices au jour le jour. Ce site est là pour rendre compte des avancées mais aussi des limites d'un tel exercice.

 

    Une première limite est d'ailleurs à souligner. Contrairement à Jacotot, je connais la langue de mes étudiants (l'espagnol en l’occurrence). Je ne peux donc pas me dire ignorante comme le maître idéal dépeint par Rancière. Si j'ai trop parlé espagnol au premier semestre, à partir de maintenant, je vais me taire et ne parler qu'en français.

    Deuxièmement, il faut noter les limites du côté des étudiants. Nous ne sommes pas dans le monde idéal de Rancière. Les étudiants ont déjà fait les frais du système scolaire et ont déjà des stigmates attachés à eux. Ils se « savent » — ou plutôt se croient — mauvais dans telle ou telle discipline. De même, d'autres sont jugés meilleurs dans la classe et sont suivis par tous lorsqu'ils donnent une réponse, même si elle est fausse. Il y a donc des inégalités déjà présentes chez les étudiants dans la perception de leur apprentissage.

    Enfin, Jacotot précise à plusieurs reprises qu'on ne peut travailler à partir de cette méthode si l'étudiant n'est pas motivé et fait preuve de « paresse ». Comme le souligne Jacques Rancière, l'instruction est comme la liberté : elle ne se donne pas (par un professeur par exemple), elle se prend13

M. SEVEN

 

1« Emancipation », Littré en ligne, consulté le 28/12/2013

2Jean Joseph Jacotot, Enseignement universel : langue maternelle, sur Google Book, 1823

3Id., p.230-231

4« Méthode », Trésor de la langue française, consulté le 28/12/2013

5Jacques Rancière, El maestro ignorante : cinco lecciones sobre la emancipacion intelectual, traduction de Nuria Estrach, Editorial Laertes, Barcelona, 2003 (1987), p.10

6Id., p.13

7Id.,p.20

8Paulo Freire, Pedagogy of the oppressed, traduction de Myra Bergman Ramos, Continuum London - New York, 2003 (1970), p.55

9Jacques Rancière, ibid., p.25

10id.

11id.

12Site Hole in the wall, rubrique « A new way to learn », consulté le 28/12/2013

13Jacques Rancière, ibid., p.59





Version española

    Según Jacques Rancière, el método Jacotot es un método de emancipación. Emancipación viene del idioma latino « ex-manus-capere », es decir literalmente « quitar la mano que toma1 ». La mano puede ser la del que domina pero también del que ayuda.

    El método Jacotot es el resultado de una experiencia hecha al siglo XIX por un profesor francés. Joseph Jacotot se fue a enseñar a Louvain en Belgica. El problema fue que todos los estudiantes que querían asistir a los cursos no hablaban francés. El profesor les dio un libro bilingüe (Telemaco) en el que aprendieron solos el idioma. Fue muy sorprendido por el nivel de los estudiantes al final. Decidio contar de esos hechos en Enseñanza universal. Y hizo lo mismo de nuevo, con otras disciplinas que no conocía2.

    Preferiendo el maestro ignorante al sabio, el método probado por Jacotot pondría los profesores y estudiantes en una relación de reciprocidad. En cambio, las explicaciones y los métodos utilizados tradicionalmente por los profesores serían una forma de dominación3.

    En efecto, si el método es una « manera de manejar y expresar su pensamiento4 », y en eso no daña la emancipación intelectual, el hecho de que los profesores impongan un método unico, y ya pensado por él, es un problema. Entonces, el método no tiene que venir del exterior sino nacer de la práctica del estudiante. El método Jacotot no es tan un anti-método sino el propio a cada alumno.

    Joseph Jacotot llama su método « enseñanza universal». Esta expresión designa el aprendizaje del mundo por lo cual pasa todo niño desde su nacimiento. Los niños llaman lo que ven. Aprenden la lengua materna escuchando y observando lo que está alrededor. Para Jacotot, todo es lenguaje5. Entonces, podemos aprender todo como lo hicimos con el primer idioma.

    Todo el mundo ya aprendió algo solo en su vida. Es el caso con nuestra lengua materna. También es el caso cuando nos encontramos solo para hacer algo y que nadie puede indicarnos la solución. Pero, como dice Jacques Rancière, es muy raro tener en la mente que los demás también pueden aprender solos y no necesitan nuestras explicaciones6.

    Tradicionalmente, incluso cuando el profesor no da explicaciones claras a los estudiantes, el tiende a hacer preguntas sobre un modo socratico. En efecto, Jacques Rancière hace una gran diferencia entre las preguntas del maestro ignorante en Jacotot y las de un sabio, casi siempre encontradas en nuestra escolaridad. Mientras Jacotot empieza sin conocer nada de lo que los estudiantes aprenden, el sabio — por definición — sabe donde quiere manejar sus alumnos. Les guia todavía un poco. De manera voluntaria o no7.

    Sobre este punto, podríamos relacionar Jacotot y Paolo Freire. Según este pedagoga brasileño, la educación debe servir tanto el maestro como el alumno. El profesor tiene que aprender de lo que descubren sus estudiantes8. Al contrario, la relación clásica de dominación entre el profesor y el alumno — que el pedagoga no vacila en llamar opresión — no pone al educador y al educado al mismo nivel. Inscribe estigmas de opresor para uno y de oprimido al otro.

    Jacques Rancière enseña que la pedagogía de Jacotot, más que corregir las desigualdades entre los alumnos, no les permite existir. Las explicaciones del maestro serían el origen de ellas. Al imponer una explicación que corresponde a la inteligencia del profesor y de un pequeño número de alumnos, dejamos al lado los que habrían entendido de otra manera. Al final, los niños que no entienden las explicaciones del profesor piensan que no son capaces. Y se vuelven victimas de una estigmatización que puede seguirles mucho tiempo si la situación se repite9.

    Seguro que Jacotot es un gran revolucionario. Con suponer la igualdad de todos, rompe con la ideologia dominante y permite una práctica de la enseñanza realmente emancipadora. En efecto, « la emancipación es la conciencia de una igualdad [de principio entre los seres]10 ». Ella permite una reciprocidad y anula la dominación de uno sobre el otro. Una dominación que todavía atonta al oprimido tanto como al opresor11.

    Jacotot no habla del trabajo en grupo. Sin embargo, es un medio interesante para ir adelante en los descubrimientos. Sugata Mitra, en India, vive una experiencia casi similar a la de Jacotot. La escuela en la que trabaja decidió poner computadoras en libro servicio al exterior del edificio. Los niños pueden utilizarles con libertad y no tienen ninguna explicación de los adultos. El hecho para los niños de juntarse regularmente en grupos delante de una pantalla les permite poner en común sus descubrimientos o ideas para llegar a sus objetivos. La escuela deseaba sacar a los niños del « aprendizaje uni-direccional » dado generalmente12.

    A partir del trabajo de Jacotot, nos vamos a empoderar del idioma francés ! Desde el inicio del año escolar 2013/2014, estudiamos textos bilingües francés-español. Utilicemos varios ejercicios tomados en la Enseñanza universal para estudiar textos impuestos (de Georges brassens, Jacques Prévert y Stromaë).

    Ahora, vamos a estudiar unos textos elegidos por grupos. Cada grupo seguirá su propio método organizando el encadenamiento de los ejercicios día por día. Este sitio dará cuenta de los avances pero también de los limites de tal ejercicio.

    Un primer límite tiene que ser subrayado. Al contrario de Jacotot, conozco el idioma de mis estudiantes (el castellano). No puedo decirme ignorante, como el maestro ideal describido por Rancière. Si expliqué demasiadas cosas en español durante el primer semestre, a partir de ahora, voy a callarme y hablar exclusivamente en francés.

    Segundo, son limites por parte de los estudiantes. No estamos en el mundo ideal de Rancière. Los alumnos ya pasaron por el sistema escolar y ya tienen estigmas. Se “saben” — mejor dicho, se creen — malos en tal disciplina. También, otros son juzgados mejores en la clase y les seguimos todos aunque sus respestuas son falsas a veces. Entonces ya existen desigualdades entre los estudiantes por la percepción de sus aprendizajes.

    Por fin, Jacotot explica que no se puede trabajar a partir de este método si el estudiante no está animado y se muestra perezoso. Como lo subraya Jacques Rancière, la instrucción es como la libertad : no se da, se toma13.

M. SEVEN

 

1« Emancipation », Littré en ligne, consulté le 28/12/2013

2Jean Joseph Jacotot, Enseignement universel : langue maternelle, sur Google Book, 1823

3Id., p.230-231

4« Méthode », Trésor de la langue française, consulté le 28/12/2013

5Jacques Rancière, El maestro ignorante : cinco lecciones sobre la emancipacion intelectual, traduction de Nuria Estrach, Editorial Laertes, Barcelona, 2003 (1987), p.10

6Id., p.13

7Id.,p.20

8Paulo Freire, Pedagogy of the oppressed, traduction de Myra Bergman Ramos, Continuum London - New York, 2003 (1970), p.55

9Jacques Rancière, ibid., p.25

10id.

11id.

12Site Hole in the wall, rubrique « A new way to learn », consulté le 28/12/2013

13Jacques Rancière, ibid., p.59

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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